Chroniqué de cet auteur :
Les heures souterraines
No et moi
J'ai beaucoup de mal à trouver les mots pour parler de ce roman absolument bouleversant.
Dès les premières pages, j'ai aimé le personnage de Lucile. Elle est tellement attachante, tellement mystérieuse. Mais surtout, il y a tellement d'amour pour elle dans ce roman. Delphine de Vigan
sait mettre dans ses mots tout ce qu'elle a pu ressentir pour sa mère. Et on ne peut que ressentir la même tendresse, la même fascination et la même tristesse. Quel personnage étrange et quel
étrange roman.
L'auteur y mèle ses souvenirs, ceux de sa famille et la genèse de ce roman. On sent la difficulté qu'elle a eu à écrire ses mots. La nécessité de les écrire et ce qu'ils lui ont coûté. Le
résultat est saisissant. Saisissant de justesse, d'humanité, de souffrance et d'amour. Jusqu'à la dernière ligne on est avec elles.
C'est aussi un livre important car il parle d'une maladie dont on parle très peu : le trouble bipolaire. On sent la souffrance de la personne qui doit lutter contre ses brusques changements
d'humeur mais surtout contre le regard de ses proches. On voit aussi tout ce qui a pu amener Lucile à souffrir de cette maladie. Il y a des choses qui sont franchement très laides et très
honteuses pour les gens qui les ont faites mais qui méritent d'être dites. Pour mieux comprendre. Pour être vraiment avec Lucile.
Lucile nous fascine. Elle est à la fois forte et fragile. Ce livre pourrait être particulièrement désespérant et pourtant elle l'éclaire de l'intérieur. C'est assez difficile de l'expliquer mais
on ressort de ce roman plus fort, plus prêt à affronter la vie. Comme si Lucile nous donnait un peu de sa force. Comme si Delphine de Vigan nous donnait un peu de son immense courage.
C'est cela qu'il faut retenir : la force de Delphine et la lumière de Lucile.
Résumé : « La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute
nous constitue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la
mémoire.
La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de
fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du
désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence.
Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet
élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti. »