Je viens d'emprunter le dernier Modiano à la bibliothèque et j'ai eu envie de vous parler du roman que je préfère de cet auteur.
Impossible de confondre l'écriture de Modiano avec celle de quelqu'un d'autre. Dès les premières lignes, on sait que c'est lui. Le ton mélancolique. Le style lent comme une berceuse. La
place de Paris. Les déambulations de l'auteur dans les rues. Des personnages un peu flous. On tombe sous le charme ou pas. C'est une ambiance et une écriture très particulière. Un rien
obsessionnelle. Toujours autour des mêmes thèmes. Comme une question lancinante.
Dans ce roman, le narrateur part à la recherche d'un souvenir. Celui d'une femme, qu'il a à peine croisée, et dont il vient d'apprendre la mort. On le suit dans ses pérégrnations de Paris à Nice. On s'interroge avec lui. On se laisse prendre à sa nostalgie. A une forme de déliquescence du réel. Celui-ci est toujours là. Mais comme un peu effacé. Comme lorsquon regarde une image près d'une source de chaleur. Mais malgré cela, on s'attache à l'histoire des personnages. Car Patrick Modiano est un véritable conteur. On a l'impression d'y être. De ressentir la chaleur, la mollesse des choses et des évènements. Par moment, la tension monte, sans trop savoir pour quoi. On s'inquiètes pour le narrateur. Arrivera-t-il au bout de sa quête? Mais finalement est-ce l'important?
L'important n'est-ce pas plutôt le doux enchantement des phrases de Modiano.
Résumé : « Je suis tombé sur la vieille coupure de journal qui datait de l'hiver où Ingrid avait rencontré Rigaud. C'était Ingrid qui me l'avait donnée la dernière fois que je l'avais vue. Pendant le dîner, elle avait commencé à me parler de toute cette époque, et elle avait sorti de son sac un portefeuille en crocodile, et de ce portefeuille la coupure de journal soigneusement pliée, qu'elle avait gardée sur elle pendant toutes ces années. Je me souviens qu'elle s'était tue à ce moment-là et que son regard prenait une drôle d'expression, comme si elle voulait me transmettre un fardeau qui lui avait pesé depuis longtemps ou qu'elle devinait que moi aussi, plus tard, je partirais à sa recherche. C'était un tout petit entrefilet parmi les autres annonces, les demandes et les offres d'emplois, la rubrique des transactions immobilières et commerciales : " On recherche une jeune fille, Ingrid Teyrsen, seize ans, 1,60 m, visage ovale, yeux gris, manteau sport brun, pull-over bleu clair, jupe et chapeau beiges, chaussures sport noires. Adresser toutes indications à M. Teyrsen, 39 bis boulevard Ornano, Paris." »